Dynavector Westland Wyvern S4 1/48ème

Ou

Comment monter une maquette en thermoformé tout en restant poli

L'avion

Issu d'une spécification pour un torpilleur monoplace rapide embarqué, le Wyvern naquit affligé d'un moteur Rolls Royce 24 cylindres à plat de 2700 CV. Après l'échec dudit moteur, et le refus de Rolls de poursuivre ses études dans le domaine des turbopropulseurs on l'équipa d'un turbopropulseur Armstrong Siddeley Python de 3700 CV qui entraînait un doublet d'hélices quadripales contrarotatives, et qui souffrait de temps de réponses épouvantables. Il arriva en opérations en 1954, fut construit à une soixantaine d'exemplaires et connut une brève carrière qui l'amena à Suez en 1956 et se termina en 1958. Armé de 4 canons de 20 mm, pouvant emporter une torpille, deux bombes de mille livres ou seize roquettes, il avait une vitesse maximale de l'ordre de 650 km/h. Le seul exemplaire aujourd'hui préservé est le prototype, avec son moteur Rolls Royce, et on peut le voir au musée de la Fleet Air Arm à Yeovilton. L'esthétique de l'engin est typiquement anglaise, avec sa monstrueuse casserole d'hélice et son fuselage en suppositoire à dérive.

Il m'a d'ailleurs été décrit comme un croisement entre un Mustang et une blatte, et je trouve que ça lui va plutôt bien.

La maquette

Dynavector est une marque qui fait essentiellement des composants hi-fi haut de gamme, mais dont le patron est un fana de l'aviation et de la maquette. Il s'est donc intéressé à des machines qu'on ne peut espérer trouver chez les grandes marques classiques, et il a traité en particulier l'aviation britannique des années cinquante. Mais il a fait ça en thermoformé. Que trouve t'on dans la robuste boîte en carton ? Deux plaques de plastique où figurent fuselage, ailes, dérives, bidons, trappes et puits de trains, un sachet de pièces en métal blanc (trains, roues, pales d'hélices, armement, tuyères, cockpit), et un sache de pièces en résine (lessiveuse d'hélice et joint d'icelle avec le fuselage), des décals pour trois décorations et deux verrières en thermoformé. Le tout est finement gravé , et présage d'un joli modèle, sauf que bon, c'est du vacu. Et ça, ça fait peur.

Le vacu, comment qu'on fait ?

J'ai reçu les conseils avisés de maquettistes expérimentés dans le domaine, et je m'en vais de ce pas sautillant vous en faire profiter.

On commence par peindre les plaques en gris, histoire de faire la différence entre les parties à enlever et celles à garder. Jusque là, pas de difficulté. On ne fait pas un camouflage Luftwaffe à main levée : on passe une bête couche d'apprêt. On peut à ce moment confectionner des cadres pour rigidifier les pièces, en utilisant un reproducteur de contours et de la carte plastique (cette technique peut aussi s'appliquer pour faire des nervures pour les ailes de grandes dimension)

Maintenant, la partie artistique (si si, il faut un crayon !) : on prend un crayon gras (2B) et on fait le tour de la pièce avec ce dernier. On doit avoir une trace sur la pièce, une sur la plaque, et du gris entre les deux.

Ensuite, on détoure au cutter les pièces, à environ 2 ou 3 millimètres de la pièce. Pas la peine de couper à travers la plaque, une marque suffisamment profonde permet de séparer la pièce en tordant la plaque. Là encore, pas de difficulté. On fait un tour grossier de la pièce, et c'est marre.

Et c'est maintenant que les choses deviennent amusantes. Il faut, dans l'ordre, une plaque de verre ou un miroir en 30 cm par 45 (en gros) ou, à défaut, une planche PARFAITEMENT plate, de l'adhésif double face, du papier de verre imperméable à l'eau grain 180, de l'eau (très important, l'eau) et de l'huile de coude (un bidon suffira).

On colle le papier de verre sur le support choisi, et on le mouille d'importance. Pourquoi, me demanderez vous ? Eh bien, quand vous allez poncer la maquette sur le papier, cela va faire énormément de poussière, qui va s'agglomérer en pâte grâce à la présence de l'eau. Ce n'est pas obligatoire, mais c'est largement moins sale.

Une fois le papier mis en place, on pose la pièce sur ce dernier et on la ponce délicatement mais avec insistance. En gros, quand le trait de crayon sur la plaque disparaît, c'est qu'on a suffisamment poncé. De toute façon, la bande superflue va se détacher d'elle même quand on est arrivé à destination. Pour les pièces qui ne peuvent pas se poncer sur une surface plane (comme l'intrados de l'aile du Wyvern, qui est en W aplati), on prend une cale en bois et on fixe le papier de verre dessus avant d'attaquer avec précaution le ponçage. Les maîtres mots sont patience, prudence et persévérance. Il faut que le ponçage soit uniforme, ce qui est rarement le cas. On doit reprendre certains endroits pendant qu'on ne touche pas à d'autres. Il ne faut pas espérer préparer un demi fuselage en deux minutes (on peut, mais dans ce cas, on ne doit surtout pas espérer obtenir un résultat propre).

Dans le cas du Wyvern, on obtient des demi fuselages qui joignent parfaitement sans mastic, et des ailes dont le bord de fuite est fin comme un rasoir. Les quelques petits débordements, inévitables sur les ailes, se combleront aisément au mastic si on n'y est pas allé comme des bœufs.

Pour renforcer le collage du fuselage, on mettra une languette de carte plastique au niveau de la jointure entre les deux coquilles.

Construction

J'ai commencé par les ailes (il faut bien changer de temps en temps). J'ai enlevé de l'intrados les trappes externes des trains d'atterrissage, les trappes internes restant fermées quand l'avion est au sol. Pour ce faire, j'ai percé une série de trous à l'intérieur des contours de la trappe avec un forêt de 0,8 mm. J'ai enlevé grossièrement le plastique superflu, avant d'égaliser les bords du gros trou ainsi créé à la lime.

J'ai peint les puits de train en alu avant de les coller à l'intérieur de l'intrados. J'ai collé des longerons en carte plastique épaisse à l'intérieur de l'intrados et de l'extrados avant d'assembler l'aile et de corriger les divers petits défauts de préparation. J'ai alors enlevé les caches de thermoformage à l'avant de l'aile et ouvert les entrées d'air de la turbine. Les points de collage des rails de guidage des volets sont percés à ce moment.J'ai assemblé les plans de profondeur en prenant soin de percer les points de collage des dérives auxiliaires, et je suis passé au fuselage.

Le cockpit tel qu'il est fourni par Dynavector est fort joli, mais nécessite un travail sérieux d'affinage. Mais comme il y a un dieu pour les feignants, Roy Sutherland a créé un kit de détaillage en résine et photodécoupe qui est absolument somptueux. Les pièces sont d'une finesse extrême, à tel point que leur préparation en devient très délicate. Mais une fois les pièces nettoyées de leur carotte de moulage, le tout s'assemble facilement et se peint sans problème. Comble de délicatesse, une photo couleur du siège Martin Baker Mk 2 est fournie !

On débarrasse le fuselage des renflements de plastique dus au thermoformage, on perce les trous du longeron de la profondeur, et on colle les coquilles entre elles. Le fuselage ne nécessite que très peu de mastic, mais la pièce en résine qui doit se coller à l'avant de ce dernier est un peu plus récalcitrante. Pas de quoi en faire un drame, mastic, papier de verre 600, 1000 et 1500 permettent un joint parfait. L'orifice du cockpit est percé, et les cloisons de fuselage sont affinées. Pour installer le support du collimateur qui fait aussi office de casquette du tableau de bord, il faut enlever plus de matière que prévu par les instructions de Dynavector. Pensez à faire des ajustages à blanc réguliers. On peint l'intérieur et le dos du fuselage derrière le trou en noir pneu, et on attaque la construction du cockpit en résine, que l'on rentre par le trou béant laissé par l'enlèvement des caches de thermoformage.

Une fois le cockpit installé, on colle les ailes sous le fuselage. Patience et mastic sont nécessaires. Une fois les joints comblés et nettoyés, on peut installer les carénages des échappements et les échappements eux-mêmes. L'ajustage de ces pièces est un des moments les plus difficiles de la construction du bestiau. Les pièces en métal figurant ces derniers sont nettoyées, polies, et peinte métal brûlé de chez Alclad II.

Peinture

J'ai choisi l'avion du Squadron 830 sur le HMS Eagle pendant l'affaire de Suez. On commence par peindre les ailes et le fuselage en blanc, puis en jaune brillant Tamiya au niveau des bandes d'identification. Il faut une couche suffisamment fine, mais on peut déborder sans trop de complexe. Ensuite, on masque et on peint les bandes noires. C'est beaucoup plus facile à dire qu'à faire… Mais on y arrive à peu près. Évitez seulement de masquer avec de l'adhésif Tamiya, il est jaune, et sur fond jaune, ça ne se voit pas très bien…

Ensuite, on protège les bandes, on peint le Sky puis l'Extra Dark Sea Grey. Autour des échappements, c'est particulièrement réjouissant. Enfin, on masque les profondeurs, puis on peint en blanc (pour donner une base à la couleur) puis en rouge les dérives auxiliaires.

Maintenant, on peut vernir brillant, et passer tout doucement aux finitions.

Finitions

J'ai masqué les contours des puits de train avant de les peindre en aluminium Alclad. Les canons externes sont peints en jaune avec l'extrémité rouge, et les canons internes sont peints dessus gris, dessous sky et extrémité rouge. Pour la petite histoire, l'extrémité rouge était frangible et se cassait dès que le pilote faisait feu.

Les roues en métal sont nettoyées (quelques irrégularités de moulage rendent ce travail nécessaire), puis leur moyeu est peint alu et le pneu gris très foncé. Les jambes de train sont peintes alu. On colle tout ça en place, avant d'installer les trappes de train, qui sont sky à l'extérieur et alu à l'intérieur. Attention, les jambes sont très inclinées vers l'avant.

Maintenant, c'est au tour de la monstrueuse hélice, et de son couscoussier (vu la taille du bestiau, on peut difficilement parler de casserole !). Les pales sont peintes en noir avec l'extrémité jaune. La base de la lessiveuse est séparée de la carotte de moulage, peinte en Extra Dark Sea Grey et collée au fuselage, en n'oubliant pas d'installer l'axe en métal. Les différents composants de la casserole sont eux aussi nettoyés, puis poncés pour permettre de les aligner correctement sans ligne de joint trop visible. On passe alors une couche d'apprêt blanche, avant de peindre en rouge brillant Gunze. Les pales sont alors installées, en faisant attention à leur sens de rotation. Heureusement, l'embase de ces dernières sert de détrompeur et permet de ne pas commettre d'ânerie.

La casserole est alors assemblée, mais on n'installera l'hélice qu'à la toute fin : les pales sont d'une très grande fragilité, et pénibles à réparer.

J'ai posé les décals, qui ne posent pas de problème d'adhérence. En revanche, ils sont assez transparents, et l'application des cocardes d'extrados sur les bandes de Suez doit se faire après la peinture à l'emplacement requis de cercles blancs de la taille des cocardes. Autre problème, ils sont franchement épais, donc plusieurs couches de vernis sont nécessaires. Après les avoir passées, j'ai patiné l'avion avec un jus de peinture à l'huile. Les échappements ont été faits à l'aéro, et le tout est assez léger, car les Wyvern étaient fort bien entretenus.

Le siège et le manche sont installés à la fin. Le siège est peint en s'inspirant de la photo fournie par Compass Rose, et la poignée d'éjection est faite de fil de cuivre jaune strié de noir au pinceau.

La brillance a été atténuée en passant une couche finale de vernis satiné, et l'hélice a été enfin collée en place.

Conclusion

Mon premier vacu ! Ca s'arrose !


Bon, maintenant, je le sais : le vacu (de luxe, certes), ce n'est pas beaucoup plus compliqué que le reste. Il suffit d'être précautionneux, patient, et tout se passe bien. Le résultat final ne diffère pas d'une maquette injectée, et cela m'a permis d'avoir un oiseau exotique qu'il est peu probable de trouver un jour en injecté à cette échelle (au 1/72ème, vous avez toujours la vieille maquette Frog qui ressort de temps en temps. Bon courage). De plus, j'aime bien la ligne du Wyvern, et les couleurs de celui-ci me le rendent encore plus sympathique.

Voilà, je suis maintenant converti au thermoformé. Le Supermarine Scimitar de la même marque arrive.

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